J’ai découvert plus en profondeur le marché de l’esthétique depuis quelques années en travaillant avec vous. Je me suis rapidement aperçu que la perception des professionnels sur les produits en pharmacie était biaisée et qu’elle devait avoir une explication plus exhaustive.
Selon vous, est-ce toujours vrai?
Et comment, en 2021, une esthéticienne peut-elle se démarquer avec une cosmétique de plus en plus compétitive?
Je vous dis souvent en riant que je suis tombée dans le pot de crème… et bien ce n’est pas tout à fait une anecdote, mais bien la réalité de la passion que j’ai développée lorsque je suis devenue cosméticienne autour de mes 18 ans. Mais attention, mon département cosmétique n’avait pas du tout le look de celui qu’on voit actuellement.
Au début des années 2000, la segmentation dermo-cosmétique n’existait pas encore. J’avais uniquement Avène dans mon département, avec d’autres gros joueurs comme Vichy et Biotherm (groupe L’Oréal), et La Roche-Posay était uniquement en recommandation des pharmaciens derrière le laboratoire. Vous vous doutez bien qu’il y avait beaucoup moins de défi qu’à l’heure actuelle.
Mais, pendant les 15 dernières années, la section « blanche » de la dermo-cosmétique a vu le jour et a été la segmentation avec la plus forte croissance dans les 10 dernières années.
Pourquoi la dermo-cosmétique a-t-elle autant changé le visage du département cosmétique?
Parce qu’à l’origine, elle a été créée pour travailler en complément thérapeutique des professionnels de santé. En France, la dermo-cosmétique se situe dans les para-pharmacies, qui sont gérées pour et par des pharmacien(ne)s qui désiraient contribuer au marché cosmétique. Étant recommandée principalement par des pharmacien(ne)s, l’avancée technologique et la recherche sur les ingrédients se devaient d’être à la fine pointe des recherches en dermatologie et à la frontière avec l’efficacité cosmétique. Dur à battre!
Alors, pendant que la recherche dermatologique s’accélérait et que de nouvelles gammes dermo-cosmétiques voyaient le jour, l’efficacité ciblée des produits cosmétiques augmentait de manière épatante!
Pendant ce temps, en esthétique…
Le mythe de la moins bonne efficacité des produits en pharmacie continuait de se propager. Et les compagnies cosmétiques en esthétique, ne se sentant pas menacées par les produits en pharmacie, ont cessé de les observer et de les voir comme de la compétition. Ce qui a malheureusement provoqué, dans un premier temps, un ralentissement de la recherche en innovation et, dans un deuxième temps, la diminution de l’efficacité prouvée en esthétique.
De ce fait, au fil des ans, les produits en esthétique ont donc pris un certain retard, laissant alors les nouveaux produits en dermo-pharmacie se distinguer et prendre de l’avance. Le volume de ventes étant très important en pharmacie, les gros joueurs comme L’Oréal et Pierre Fabre, ont réussi à sortir des produits ultra-performants à une fraction du prix d’un produit en esthétique. En plus, une partie de ces produits sont recommandés par les dermatologues.
Le secteur de distribution au centre des préoccupations
Tout est une question de règlementation. Certaines concentrations sont les mêmes qu’en esthétique, mais certains ingrédients peuvent être utilisés à de plus forte concentration dans d’autres secteurs de distribution.
Il est divisé en quatre (4) grands secteurs :
- Le « mass market», qui est la grande distribution en général;
- L’OTC (« over the counter»), qui est la distribution en pharmacie (hors comptoir laboratoire), produits en esthétique (revente) et le luxe (exemple Sephora ou comptoir chez La Baie);
- L’esthétique produits cabine utilisés seulement par les professionnel(le)s;
- Médico-esthétique et médical.
Pour mieux illustrer ce concept un peu abstrait
Voici quelques exemples afin de vous aider à démêler tout ça. Je suis consciente que ce n’est pas toujours évident à comprendre.
Commençons par la vitamine C : ce n’est pas la réglementaire qui fixe sa concentration, mais bien la biologie cutanée! La peau est capable d’absorber un maximum de 20%, et ce donc, peu importe le marché de distribution. Ce qui peut la distinguer d’un marché à l’autre est la qualité et la stabilité de cette vitamine ou son mode de délivrance. La vitamine C encapsulée n’est toujours pas arrivée en pharmacie, mais elle est maintenant couramment utilisée en esthétique depuis environ quatre (4) ans. Bien entendu, ce produit coûte plus cher à fabriquer, donc à vendre. Ce qui en fait une belle spécialité en esthétique.
À mon avis, l’un des plus beaux exemples est le rétinol (vitamine A). Que l’on soit en vente libre en pharmacie ou en produits revente en esthétique, la concentration maximale autorisée par la règlementation est de 1%. Les seules compagnies ayant droit d’utiliser une concentration supérieure sont celles dont les produits sont vendus en instituts médico-esthétiques et recommandés par des professionnel(le)s de la santé ou sous prescription dermatologique.
Un autre exemple, encore plus visuel, est la concentration maximale autorisée de l’acide glycolique dans les produits :
- en OTC : 10 %
- en esthétique CABINE: jusqu’à 30%
- en médico-esthétique : jusqu’à 50%
- en dermatologie uniquement : jusqu’à 70%, mais attention, ça ne signifie pas que la peau préfère UN peeling à 70%, une cure de QUATRE peeling à 30%. Avec la peau aussi, la modération a bien meilleur goût!
L’esthétique avait bien besoin d’un regard plus scientifique
Vous vous êtes surement aperçu, vous aussi, que depuis environ 5 ans, une petite révolution est née dans le domaine de l’esthétique. Tout le monde remet davantage en question l’impact sur la sécurité cutanée et environnementale, ce qui a obligé plusieurs compagnies à retravailler leurs formules et remettre l’innovation au cœur de leur croissance.
Ce qui va toujours poser problème en esthétique, est le volume de ventes donc, le coût du produit final. Certaines couches de la population ne pourront peut-être jamais se procurer des produits en esthétique. Ce qui rend la dermo-cosmétique plus avantageuse n’est pas seulement son accessibilité en pharmacie, mais son volume de ventes qui permet de vendre des produits à la fine pointe de la recherche à un coût quasi dérisoire.
Ne lâchez pas, vous êtes, en tant que professionnelles, au cœur de votre propre révolution. Continuez d’affiner vos compétences afin d’augmenter votre crédibilité et de pouvoir rayonner davantage auprès de toute la population.
Parce que la seule vraie différence entre la pharmacie et l’esthétique est la professionnelle formée, vous, l’esthéticienne!
Je ne sais pas si vous savez qu’aucun cours n’existe ou est obligatoire pour devenir une cosméticienne en pharmacie et que par conséquent, un produit qui est mal conseillé sera mal utilisé et donc, sera moins performant. Les compétences en compréhension de la peau et de son interaction avec les ingrédients (cosmétologie) sont les atouts les plus significatifs des esthéticiennes.
N.B. les clientes qui se présentent en pharmacie sont, pour la majorité, maquillées et… pressées!
Vous êtes zen mesure de beaucoup mieux répondre aux besoins spécifiques de la peau de vos client(e)s et cette distinction apporte beaucoup plus de crédibilité et de performance à VOS recommandations qui se déroulent en plus dans un environnement contrôlé tel qu’un salon d’esthétique. Vous pouvez, de plus, prendre le temps d’expliquer et de former vos client(e)s sur leurs besoins et ainsi devenir un service essentiel.
VOUS pouvez faire TOUTE la différence!